Dans ce triptyque à la fois intime et universel, Sacha et Flore explorent avec intelligence et sensibilité la notion de genre comme une performance sociale. Par le biais d’un échange vestimentaire et d’un jeu de postures, ils interrogent les attentes et rôles imposés dans notre société, tout en révélant l’artifice et la construction qui sous-tendent ces normes.
Premier tableau : "Sacha en Flore"
Dans cette première image, Sacha s'approprie les codes associés à la féminité, mais avec un subtil décalage qui traduit une performance consciente. La pose, la lumière et l'attitude laissent entrevoir une certaine théâtralité : il ne s'agit pas d'un travestissement pour se dissimuler, mais d'un jeu où Sacha endosse – et dépasse – un rôle que la société voudrait limiter aux femmes. En jouant à "être Flore", il illustre à quel point le genre peut être une mise en scène que chacun peut interpréter à sa manière.
Deuxième tableau : "Flore en Sacha"
Flore, à son tour, "joue à être Sacha" dans une tenue souvent perçue comme masculine. Ici, l'absence d'accessoires superflus et la posture réfléchie montrent que le genre n'est qu'une façade. La manière dont Flore s'approprie les vêtements suggère une fluidité et une aisance, mais aussi une distance ironique : elle n’est pas simplement "un homme", elle joue à être ce que la société attend d’un homme. Cette mise en abîme invite le spectateur à reconsidérer la performativité du genre dans son propre quotidien.
Troisième tableau : "Le dialogue des genres"
Le dernier tableau est celui de la rencontre, mais aussi celui du jeu partagé. Sacha et Flore incarnent ici un dialogue entre les rôles traditionnels, qu'ils réinterprètent avec humour et complicité. Leurs regards et leurs postures racontent une histoire d’échange et de négociation : qui joue quel rôle ? Et surtout, pourquoi jouer un rôle ?
Ce tableau évoque à la fois la fragilité et la puissance des conventions de genre. La main de Sacha sur l'épaule de Flore semble à la fois tendre et théâtrale, tandis que l’attitude légèrement boudeuse de Flore reflète un jeu de pouvoir inversé, comme si chacun testait les limites des attentes sociales. C’est un moment où le sérieux de l’engagement militant laisse place à une légèreté ludique, mais tout aussi percutante.
Un jeu révélateur des conventions sociales
Ce triptyque met en lumière une idée fondamentale : dans la société, nous jouons tous un rôle. Être un homme ou une femme, c’est endosser un costume social, performer des attitudes et des comportements qui ne sont pas innés, mais appris. En jouant à être l’autre, Sacha et Flore révèlent le caractère arbitraire et parfois absurde de ces constructions.
Pourtant, il ne s'agit pas uniquement de dénonciation. Ce jeu est aussi une célébration de la liberté de sortir des cadres, de se réapproprier ces codes pour en faire un terrain d’expression personnelle et partagée. Le couple, en tant qu’espace d’intimité et de co-création, devient ici le lieu où ces rôles peuvent être expérimentés, renversés et redéfinis.
Un acte politique et poétique
Par ce travail, Sacha et Flore ne se contentent pas de proposer une réflexion sur le genre. Ils montrent aussi que les relations humaines – et notamment amoureuses – peuvent être des lieux de transformation sociale. Leur couple, où les dynamiques traditionnelles sont volontairement inversées (une femme plus âgée, plus établie financièrement), devient un symbole d'égalité et de réinvention des rôles.
Une esthétique du dépouillement
Le choix d’un fond noir, d’un éclairage dramatique et d’une mise en scène minimaliste renforce cette exploration des apparences et des essences. Le dépouillement visuel met en lumière l’essentiel : les corps, les vêtements, les postures et les regards. C’est une œuvre qui invite à regarder au-delà des surfaces, à voir ce que ces "costumes" révèlent sur notre humanité commune.
Jeu de rôle est bien plus qu’un triptyque photographique. C’est une performance, un dialogue, et surtout un acte de résistance contre les normes figées. Par le jeu, l’humour et la complicité, Sacha et Flore nous rappellent que tout rôle peut être questionné, détourné et réinventé. En jouant à être l’autre, ils nous invitent à réfléchir à qui nous sommes vraiment – et à qui nous voulons devenir.

You may also like

Back to Top